mardi, décembre 30, 2008

Pérou (p6)

19 août : Traversée de l'Altiplano

De Macchu Picchu le train nous a ramenés à Ollantaytambo, puis le bus à Cuzco. C'est avec un plaisir certain que nous retrouvons ce centre-ville charmant ainsi que notre bel hôtel, son lit douillet et sa douche chaude ! La civilisation a du bon, parfois.

Tôt le lendemain nous partons pour le lac Titicaca, à la frontière de la Bolivie. Une journée en bus sera nécessaire pour traverser l'Altiplano, ce plateau désertique à près de 4000 mètres d'altitude. Le paysage est époustouflant, totalement minéral, plat et sans fin.





En route nous faisons une halte sur le site de Raqchi. Autour d'une église coloniale un marché bariolé propose aux quelques touristes des objets d'artisanat. L'habit local est différent de la région de Cuzco : des couleurs un peu plus sombres, un grand chapeau rond et plat, dont le style se rapproche plus de celui de la région du lac Titicaca.






L'ensemble le plus imposant du site est un temple de Wiracocha dont on visualise encore très bien le grand bâtiment rectangulaire. Le mur central est en très bon état, avec ses fondations de style Inca impérial. Mais le plus intéressant reste l'ensemble de greniers, derrière le temple.

Chaque grenier est un bâtiment circulaire d'une dizaine de mètres de diamètre surmonté d'un toit en paille et accessible via une seule petite porte. Ce sont d'ailleurs les seuls édifices ronds de tout l'empire... un mystère. L'intérieur était équipé en rayonnages de bois et offrait ainsi un vaste espace de stockage, sec et ventilé. Et il y en a une centaine !





La puissance de l'empire Inca devient alors évidente. La région de Cuzco, "nombril du monde", avec toutes ses terrasses agraires fertiles, produisait de grandes quantités de nourriture. Les routes permettaient de transporter rapidement les provisions pour les stocker dans des greniers tels que ceux-ci. Les incas tenaient alors les diverses provinces de leur empire sous leur domination non par la peur ou la guerre, mais par la faim. L'allégeance à l'empereur signifiait la fin des famines.

De nouveau à bord du bus, la route rectiligne semble infinie et nous conduira jusqu'au soir...





20 août : le lac Titicaca

Pour deux nuits nous séjournons "chez l'habitant". En fait la communauté de Llachon, village du bord du lac, a aménagé des gîtes tout à fait charmants. Le confort est évidemment sommaire (pas de douche ni de chauffage), mais la petite chambre est pleine de charme, très propre et authentique avec ses murs en adobe et son toit en paille.





Le lac Titicaca est immense : 8000 km2, le plus grand lac navigable d'altitude. Vu du village, avec un tel bleu azur, on pourrait se croire au bord d'une mer chaude. Nous sommes pourtant bien à 3812 mètres d'altitude, comme le froid piquant du matin nous le rappelle.

Un bateau à moteur nous amène sur la plus grande île du lac : Taquile. Ses habitants sont connus pour la qualité de leurs tissages. Les hommes confectionnent eux-mêmes leurs habits avec les étoffes tissées par les femmes. Malgré les siècles, le style des vêtements est resté identique à ce que portait le premier gouverneur espagnol de l'île : pantalon de flanelle noir, chemise blanche aux manches bouffantes, petit gilet foncé.






Un guide local nous emmène marcher un peu sur les hauteurs à la découverte de vestiges pré-inca. Seul un bâtiment rond, probablement une tombe, est encore bien conservé, et l'attrait principal de la promenade est en fait la magnifique vue sur l'ensemble de l'île et sur le lac.






Paris, 10 100 km... Google maps confirme 10 070 km. Quant à la direction, je ne suis pas trop certain de son exactitude !





Après avoir déjeuné sur Taquile, le bateau nous emmène vers une très étrange île flottante Uros. Ce lieu de vie d'une trentaine de mètres de diamètre est entièrement artificiel. La flottaison est assurée par des blocs de racines de roseau, le plancher est constitué d'un enchevêtrement de tiges de la même plante. A mesure que les couches inférieures et immergées pourrissent, les habitants ajoutent des branches fraîches en surface.





Cinq ou six familles vivent dans cet espace confiné. Il faut trois heures de bateau à moteur pour atteindre Puno, la ville la plus proche où les enfants sont scolarisés. Le roseau leur fournit nourriture, habitat, et matière première pour élaborer l'artisanat qu'ils vendent aux touristes.

Leurs barques traditionnelles ne sont plus là que pour impressionner les visiteurs. Il faut trois à six jours de travail pour en fabriquer une, qui pourrira en 6 mois. L'île, quant à elle, résiste une vingtaine d'années. Quel peuple étrange, au rythme de vie ancestral et à l'isolement extrême...






La nuit tombe sur le lac. Tôt le lendemain nous reprenons le bus pour la dernière fois afin de rejoindre l'aéroport de Juliaca. Mais avant, en fin de matinée, nous nous arrêtons pour une ultime visite : la nécropole de Sillustani où d'étranges tombeaux pré-inca en forme de petites tours, appelées Chullpas, surveillent l'Altiplano.

L'île au centre des eaux sombres du lac Umayo abrite une réserve de vigognes, cette espèce sauvage de lamas à la laine si renommée. Le village au bord du lac pratique toujours une très ingénieuse technique de culture. Des canaux sont aménagés autour de bandes de terre, permettant à l'eau du lac de circuler. Outre une bonne irrigation, le sol se maintient ainsi à bonne température au lieu de geler la nuit, rendant ainsi la culture possible toute l'année.






Un premier avion nous ramène alors à Lima, puis le lendemain c'est Lima - Caracas et enfin Caracas - Paris. Et c'est la reprise du travail, des souvenirs forts et de fabuleuses images plein la tête.





* * *










mercredi, décembre 17, 2008

Pérou (p5)

17 août : Machu Picchu

De bon matin nous prenons le train à Ollantaytambo où nous avons passé la nuit. Au bout de la ligne, terminus, le petit village de Aguas Calientes était connu à l'époque coloniale pour ses sources thermales. Depuis la découverte du site, la petite bourgade s'est agrandie et a vu fleurir les hôtels, certains de luxe, et se fait appeler aujourd'hui Machu Picchu Pueblo.

Il n'y a pas de gare ; le train s'arrête en plein centre ville, traversé de part en part par la voie ferrée. Des navettes de bus permettent alors de monter au site archéologique, classé "patrimoine de l'humanité" par l'Unesco. Il est impossible de s'y rendre en voiture, c'est là une mesure de préservation qui a été prise par le gouvernement. Les seuls accès sont à pied ou en transport en commun.





La route monte en lacets étroits le long du mont Picchu. Ce lien Google Map permet de bien se rendre compte de la géographie du lieu. Le bus nous dépose à l'entrée des visiteurs, et de là il faut encore 20 bonnes minutes de marche sur des escaliers très pentus pour arriver au sommet, d'où on est immédiatement époustouflé par la vue "de carte postale".





Pour mémoire, si Machu Picchu est si bien conservé c'est qu'il a été le grand oublié des invasions espagnoles. D'accès difficile, sans grand intérêt militaire, il fut vite abandonné par les conquistadores et petit à petit délaissé par ses habitants. Certains pensent que c'est le tarissement de la source d'eau, suite à un mouvement de terrain, qui a forcé les derniers incas à s'exiler.

Envahi par la végétation, il n'était pas évident même pour des chercheurs aventureux de retrouver ce site. Ce n'est donc qu'en 1911 que l'historien américain Hiram Bingham, guidé par un jeune paysan rencontré par hasard à Aguas Calientes, retrouve l'entrée de la cité cachée et commence les fouilles.





Avec la poursuite des recherches et la mise à jour dans les années 80 de nombreux autres sites tout proches, on sait maintenant que la cité fait partie d'un vaste ensemble de villes perchées reliées entre elles par le "Chemin de l'Inca". La qualité de construction est impressionnante : après cinq siècles sans entretien et malgré les pluies torrentielles, les assauts de la végétation et les violents séismes qui secouent la région, les murs sont toujours parfaitement alignés et solides.

Seule exception : une des grandes façades au pied de l'observatoire astral est très fissurée. Les géologues pensent en effet que la moitié est de ce vieux piton rocheux se détache petit à petit de la montagne. Un jour c'est tout un pan de Machu Picchu qui tombera dans la vallée... même les architectes de génie Incas ne peuvent rien contre ça.





Comme tout centre religieux inca, Machu Picchu dispose d'un temple du soleil (à gauche) construit en hauteur autour d'une grande roche plate et d'un temple de la lune (à droite), dans les bas étages, architecturé autour d'une grotte naturelle.

On reconnaît là l'esprit du bâtisseur inca. Il s'adapte à l'environnement, il profite des roches déjà présentes et de la configuration du lieu plutôt que de s'imposer à la nature. Une démarche écologiquement responsable, en somme.

Lieu le plus sacré, le temple du soleil est l'édifice le plus abouti du site. L'assemblage des pierres est d'une minutie étonnante, et l'orientation de chaque ouverture se fait sur un axe astrologique très précis.





La qualité de construction est bien sûr un des éléments de la magie du lieu qui a marqué des générations de visiteurs. Mais on est également abasourdi par l'écrin montagneux dans lequel est posé ce joyau. Des pics, des monts, des plateaux, en plusieurs cordillères successives forment l'horizon et font jouer la lumière et les tons de vert.






Mais Machu Picchu était aussi un important centre d'agriculture avec de nombreuses terrasses tant à l'intérieur de la cité que sur ses flancs. Nous profitons du soleil de midi pour y faire une petite sieste...

Contrairement à la majorité des visiteurs, nous passerons la nuit au village en bas, et nous ne sommes pas limités par l'heure. Dès le milieu d'après-midi la foule repart prendre le dernier train et nous voilà tranquilles pour flâner dans ces vieilles pierres.






Dernier coup d'oeil avant de redescendre, le soleil est bas et diffuse une lumière dorée sur le chef d'oeuvre d'une civilisation perdue...