lundi, novembre 17, 2008

Pérou (p4)

15 août : Yananocha

Nuit froide. Sous le auvent de la tente, notre petite bassine d'eau pour la toilette était bien gelée ce matin. Il a dû faire -5° à -10° sous la toile. Heureusement que nos duvets haute performance sont conçus pour être confortables à ces températures ! La couverture nuageuse s'est dissipée et dès le réveil le ciel est magnifiquement bleu. L'isolement du campement est superbe.





Le groupe reprend la marche, précédé par notre caravane de lamas. Le paysage est toujours totalement minéral ; des huttes de pierre rappellent que ce plateau est pourtant habité par des familles pauvres, qui vivent d'un peu d'agriculture simple et d'élevage d'alpagas. Ici, électricité et eau courante ne font pas encore partie du confort minimum.






Le col à 4300 mètres se monte sans problèmes maintenant que nos organismes sont bien habitués à l'altitude. Juste avant d'atteindre le sommet, un lac d'un noir profond est enchâssé dans un écrin de pierres géantes. Nos lamas font une pause et essaient de trouver un peu d'herbe sèche et drue à brouter, sous la masse imposante d'un pic à plus de 5000 mètres. Le passage du col est marqué par un cairn. La luminosité est exceptionnelle.






De l'autre côté, la plaine est marécageuse et c'est sur une sorte de mousse spongieuse, recouverte d'étranges fleurs rases que la marche se poursuit. Puis l'eau se fait plus rare et c'est de nouveau le règne minéral. Une éclaircie dans le voile nuageux nous permet d'apercevoir un des plus hauts sommets de la cordillère, à 6000 mètres.






En traversant un hameau de quelques maisons, un groupe d'enfants bariolés vient à notre rencontre. Le plus petit est effrayé par ces marcheurs à l'apparence si étrange et se cache sous le poncho de son frère. Si loin de la civilisation ils ont la peau foncée et les yeux très bridés, probablement comme les incas de pure race.






La nuit tombe, le campement est installé auprès d'une rivière, dans une vallée encerclée de géants de plus de 5000 mètres. C'est le dernier jour en tente, le cuisinier et son équipe nous préparent un plat très spécial : la marmite de terre "Patcha Manca".

Un four en forme d'igloo est tout d'abord construit avec des pierres ramassées sur place et un feu de tous les diables est entretenu à l'intérieur. Une fois le tout très chaud, on enlève la clef de voûte pour écrouler la construction. Les morceaux de viande, légèrement marinés, sont mis en contact avec la roche brûlante. On recouvre alors de paille, puis de terre. La cuisson se fait ainsi à l'étouffée pendant une heure.

C'est rustique, mais la viande est très fraîche (le mouton tué la veille !), et on a le sentiment de prendre part à une tradition qui remonte... à l'âge de pierre. Il ne fait aucun doute que dès que les hommes ont connu l'élevage, ils ont pratiqué cette technique de cuisson.

16 août : Ollantaytambo

Encore une journée magnifique. C'est l'ultime épreuve de marche avant la deuxième partie du voyage qui sera plus conventionnelle et plus "relax". Le parcours de cette matinée se fait à flanc de montage, avec toujours une vue splendide sur les sommets aux neiges éternelles. Notre route croise deux femmes et leurs chevaux. Elles expliquent au guide qu'elles sont en route pour faire du commerce au marché le plus proche.






Le groupe profite encore un peu de paysages pour le moins étranges. Puis ce sont les adieux à nos muletiers, notre cuisinier et son second. La qualité de l'organisation était exemplaire pendant ces jours de trek et toute l'équipe totalement dévouée à notre bien-être. Nous tâchons de les remercier au mieux avant de prendre le bus qui nous fait traverser de nouveau la cordillère, avec un col à 4900 mètres.





L'après-midi se termine par la visite du village d'Ollantaytambo. Un grand marché permet de faire ses achats de cadeaux touristiques. La visite du site Inca offre une vue sur des greniers et des rocs taillés sur la montagne en face. À gauche des greniers, au centre de l'image, surgit comme un visage effrayant surmonté d'une couronne de pierre.

Le bain de la princesse est une des plus jolies fontaines du patrimoine Inca. Subtilement taillée dans un seul bloc, elle servait au grand prêtre à faire ses ablutions avant le culte solaire.

Et c'est enfin le retour à la civilisation. Hôtel ! Lit ! Douche ! Une nuit de repos bien mérité avant, le lendemain matin, de prendre le célèbre train du Machu Picchu...



lundi, novembre 03, 2008

Pérou (p3)

12 août : Pisaq

Dès le lever une immense surprise nous attend : un ciel bleu profond et un seul et unique nuage horizontal qui coupe l'horizon. L'effet est saisissant ! Un peu plus bas d'autres ruines et quelques terrasses cultivées amènent un peu de vert dans le paysage. Le groupe quitte à regret ce lieu incroyable et entame la descente vers la vallée.






Le sentier serpente à flanc de montagne, nous sommes suivis de près par notre caravane de chevaux et de lamas. La vallée sacrée se développe en bas, fertile et riche. Un micro-climat fait que des vents doux circulent en toute saison dans ce corridor de montagnes.





Au fond de la vallée, une importante rivière amène l'eau indispensable aux cultures. Les Incas avaient bien compris le potentiel de ces terrains irrigués et avaient fait de cette région le grenier de l'empire. Le blé y poussait à profusion et ils en retiraient de la terre riche et fertile pour aménager les terrasses agricoles, parfois 1000 mètres plus haut.





Après un court transfert en bus nous arrivons à Pisac, deuxième plus importante cité inca après Machu Picchu. La topologie du site est similaire à celle du chef d'oeuvre inca : des habitations à flanc de montagne, un temple construit sur un piton rocheux qui domine plusieurs vallées.

Dans l'ensemble, les bâtiments sont de style assez rustique. Seuls certains murs de fondation et le temple du soleil ont ces grandes pierres bien ajustées typiques du style inca impérial.






La ville perchée était dotée d'un réseau d'irrigation complet et les édifices les plus sacrés, bâtis autour d'un affleurement de roche, devaient abriter un observatoire astronomique. Avant de quitter le site, un joueur de flûte fait résonner un air traditionnel, qui sonne parfaitement juste dans ce lieu. Les terrasses sont d'une régularité exemplaire, courbes de niveaux d'un génial topographe, fondations alanguies d'une cité en ruine...





Pisac est également connu pour son grand marché. Une bien jeune vendeuse peine à monter la colline pour nous montrer son animal de compagnie. Les étals d'artisanat local sont multicolores.





Le soir approche, le bus nous dépose au campement aménagé autour d'une source thermale. Un peu bétonné, pas très joli comme environnement, mais quel bonheur de pouvoir prendre une douche chaude et se relaxer dans une eau fumante !

13 août : Choquecancha

La deuxième partie du Trek commence. C'est de nouveau en marchant que l'on quitte le camp de bon matin. Le sentier monte un peu puis longe la rivière Larès, en contrebas. La végétation est beaucoup plus riche que dans la montage les jours précédents. Forêts, mousses, fleurs parasites, autant de formes et de textures étranges.






Chaque village traversé étonne par les inscriptions sur les murs des maisons. Le guide explique qu'il s'agit de propagande électorale. "Votez Urbano" ! Les militants barbouillent les maisons dans la nuit, sans demander à l'habitant son accord et encore moins ses opinions politiques. Puis les élections passent, les inscriptions restent...





Après une descente en pente douce, le groupe s'arrête au bord de la rivière pour la pause déjeuner. Un pont rouge et jaune vif permet de changer de rive. Nos fidèles lamas en profitent également pour boire et goûter aux arbustes.





En début d'après-midi nous atteignons le village de Choquecancha, reconnu dans la région pour le travail de ses tisserands. A côté de la place du village un peu triste avec son église coloniale, l'école fraîchement restaurée brille de couleurs et les enfants nous accueillent tout sourire, ravis de voir de drôles d'étrangers et leurs harnachements de science-fiction.





Nous sommes arrivés en avance, le chef du village est un peu mécontent, il n'est pas "prêt" ! Après une brève attente, nous sommes finalement reçus chez deux soeurs. La première tient l'épicerie du village tandis que la deuxième tisse dans l'arrière-cour.
La technique vient du fond des âges : quelques guides en bois, du fil d'alpaga filé à la main et teint de pigments naturels... aucune mécanisation, aucun modèle pour les motifs.





Chaque étoffe est composée de séries de petites représentations naturalistes : lamas, condors, visages stylisés, fleurs... La connaissance des dessins se transmet de mère en fille. Les chercheurs pensent que ces villages perpétuent l'art des Incas, et viennent régulièrement recenser cette richesse picturale que l'exode rural pourrait faire disparaître à jamais.





Le campement nous attend au bord de la rivière, sous les arbres. Le feulement de l'eau en légère cascade va bien nous bercer...

14 août : Ccachin

Dès le matin le sentier grimpe fort jusqu'au village de Ccachin. Dans la forêt, Nous croisons une petite fille qui ramasse du bois. Elle nous accompagnera toute la montée, sautant comme un cabri alors que nous peinons dans la pente. Le village est rustique et visiblement très pauvre. Les habitants n'en sont pas moins souriants.






Plus loin sur la route une femme vend des étoffes. Les motifs sont superbes et les couleurs chatoyantes, mais la fibre et les franges sont tellement rustiques qu'il est difficile d'en imaginer un usage une fois rentré en France.
La montée de 650 mètres se termine et sur le plateau, à 3900 mètres, les nuages sont tout proches. La lumière blanche efface les couleurs et nous avançons désormais dans le gris, le minéral. Nous passons la rivière à pied tant le pont est... hasardeux.






Quel paysage étonnant ! Lunaire ? Non, c'est bien la main de l'homme qui a façonné ces murets qui forment comme des bulles à la surface du sol aride. Chaque maison (hutte ?) est ainsi rattachée à plusieurs enclos pour rassembler le bétail à la tombée de la nuit. Pas âme qui vive : les habitants, plus bergers qu'agriculteurs en hiver doivent être quelque part dans la montagne avec leurs troupeaux.





La marche entre les cordillères se poursuit, sous un ciel parfois menaçant. Finalement c'est le campement dans ce paysage hors du commun. Quelques femmes des villages alentour aident le cuisinier pour préparer le repas du soir. Avec son assistant ils se retirent un moment et reviennent avec un mouton bêlant sur le dos. La pauvre bête sera sacrifiée un peu à l'écart du groupe (ne pas effrayer les âmes sensibles !), le repas du lendemain promet d'être intéressant...






La lune monte dans le ciel, le soleil se fait plus bas et plus jaune. Bientôt ce ne sera plus qu'un filet de lumière au creux de la montagne où les nuages s'accrochent... En ce lieu on comprend pourquoi les Incas vénéraient l'astre solaire. Il amène la chaleur et la vie chaque jour et chaque été. Aussi avaient-t-ils très peur que ce cycle ne se brise, que l'énergie divine ne revienne pas le lendemain matin, l'été prochain.